Célébrités (TF1)

Rumeurs et amnésie

Stéphane BernÉriger la diffusion de ragots au rang d'actualité people ne relève pas des habitudes de l'émission Célébrités, diffusée sur TF1. Quant à la rumeur, les journalistes du magazine des potins mondains l'exècrent carrément. Mieux, lors de la première diffusion de la rentrée 1999, Stéphane Bern, animateur de l'émission, consacra une séquence entière de ses interventions en plateau à la dénoncer, à fustiger ces journaleux sans conscience qui la répandent, à partager la blessure, le désarroi et la révolte des gens qui en sont victimes. "La rumeur c'est honteux". "C'est indigne d'un journaliste de la propager". Tout le monde était d'accord. Bravo Stéphane Bern. Bravo TF1. Page de pub.

Après s'être aéré les neurones dans la poudre à lessive des réclames, l'animateur qui dénonçait quelques minutes plus tôt les mécanismes pervers de la rumeur et son caractère nauséabond, avait viré sa cuti. Il se mit à déverser, non sans délectation, les pires infamies sur l'origine de la paternité supposée d'un enfant (légitime) d'une famille princière et à gloser sur les découchages hypothétique de sa mère. Personne ne sait si c'est vrai : des journaux à scandales étrangers le laissent entendre, donc Stéphane Bern le répète. Peu lui importe la violation de la vie privée, le caractère diffamatoire et le préjudice infligé aux familles concernées. Applaudissements, éclats de rire, remarques salaces : des stars, du sexe, de la merde, Stéphane Bern jubilait dans son élément.

Le plus étonnant n'est pas ce cocktail de vulgarité habillé de voyeurisme : recette classique pour audimat en panne d'audience et neurones en manque de synapses, mais la formidable capacité amnésique que génère l'information télévisée. A quelques minutes d'intervalle on peut dire tout et son contraire sans passer pour un abruti. Comme si une page de pub remettait les conteurs de notre conscient à zéro. Le temps d'une "respiration" commerciale et je fais exactement ce que je condamnais quelques instants plus tôt sans que personne n'y voit de contradiction flagrante. Chaque nouvelle information efface la précédente et c'est bien pratique pour nos "experts" du petit écran. Dans un autre registre, Jean-Marc Sylvestre l'a bien compris. Ainsi notre journaliste économique multicartes (1) peut, sans porter atteinte à sa crédibilité, annoncer que l'entreprise Michelin supprime 1500 emplois alors qu'elle vient de réaliser 1,9 milliard de francs de bénéfices (en hausse de 20% par rapport à l'année précédente), puis affirmer sans se démonter, un flash d'info plus loin, que les bénéfices d'aujourd'hui sont les emplois de demain. Distraire les téléspectateurs de ragots graveleux, puis déstructurer leurs repères socio-économiques avec des formules idéologiques imposées comme dogmes dans les débats médiatiques : le mieux disant culturel est en action et son impact n'est pas sans conséquences sur la population.

Pour ce qui est d'internet, média de la rumeur par excellence, à mon tour de profiter de ce support pour en diffuser une : Jean-Marc Sylvestre n'y connaîtrait rien en économie et Stéphane Bern aurait trouvé sa carte de presse en ramassant la petite culotte d'une princesse. Ce n'est peut-être pas vrai mais de plus en plus de monde le dit... Alors vous aussi, faites comme à la télé : répétez-le !

L. Z.

 

(1) Jean-Marc Sylvestre est journaliste à France Inter
(chronique à 7h25 du lundi au vendredi), LCI et TF1
où il anime l'émission "Les rendez-vous de l'entreprise"

 

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