Jusqu'alors cantonnée à la presse populaire et de caniveau

La télé se repaît dans le people !

 

TMC, Pendant la pub, samedi 14 novembre 1998

Dany Boon et Judith Godereche dévoilent leur relation et abordent de leurs problèmes de linge lors de la promotion de leur nouveau spectacle.

TF1, Exclusif, vendredi 27 novembre 1998

Pascal Bruner présente sa femme, ouvre sa chambre à coucher et sa commode de chevet aux caméras, pour tenter d'accroître sa notoriété.

 

 

France 2, Dans les yeux des bleus, 13 novembre 1998

Pour passer chez Mireille Dumas, Marcel Dessailly doit mettre en scène sa vie de famille devant les caméras.

France 2, Vivement dimanche, 8 novembre 1998

Madame Tapie pleure chez Drucker sur les malheurs endurés par son mari, pour faciliter sa réinsertion médiatique.

Que penser de ces publications qui font leurs choux gras en s'immisçant dans la vie privée, et parfois intime, des personnes connues ? Ignoble, infâme, dégoûtant, racoleur, immoral ! La réaction est unanime. Des stars de cinéma aux vedettes du petit écran, en passant par les journalistes ou les hommes politiques, il n'y a pas de qualificatif assez fort pour exprimer son indignation. La vie privée est une valeur sacrée : Pas touche ! Mais les observateurs attentifs des pérégrinations des "stars" dans leurs relations avec la presse à scandale, remarqueront la relative ambiguïté qui régit leurs rapports. Entre traqueurs et présumés traqués, la divergence d'intérêts n'est pas si clairement définie. Toutes les personnalités célèbres n'ont pas leur vie privée étalée dans les magazines. On peut penser, par contre, que les "vedettes" qui instrumentalisent leurs vies privées pour accroître leur présence dans les pages glacées de la presse populaire, seront plus exposées que d'autres à des atteintes à leur intimité. La vraie vulgarité ne commence pas avec la violation de la vie privée, mais avec le renoncement des personnes publiques à ne briller que par leur talent. Il est plus facile, efficace et rentable, de concéder un morceau de sa vie privée au public, que de fournir la quantité de travail et de talent nécessaire pour atteindre un niveau similaire de notoriété. D'autant plus que les médias vous ouvrent toutes grandes leurs portes. Jusqu'alors cantonnée à la presse populaire et la presse de caniveau, le petit écran s'ouvre de manière de plus en plus affirmée au journalisme people (colportage de ragots voyeuristes, érigé au rang de concept éditorial). On vous enjoint même, comme dans les bandes annonces du magazine Exclusif (diffusé tous les jours sur TF1), de rentrer dans la ronde des aficionados, puisqu'il s'agit d'une information " que vousdevezconnaître". Et ses ravages ne concernent pas seulement les émissions qui lui sont dédiées. L'intrusion de la vie privée dans des émissions dites sérieuses ou de qualité, révèle la mutation en train de s'opérer, dans les rapports aux médias, des individus désirant y avoir accès où s'y maintenir. Le problème est de savoir si, comme avec la presse people, l'abandon maîtrisée d'une partie de son intimité, devient le passage obligé pour attirer et maintenir l'attention du petit écran sur soi. S'il parait évident qu'une femme d'ancien ministre s'épanchant sur les problèmes de son couple, instrumentalise la télévision de son plein gré, nombres "célébrités" en mal de notoriété sont victimes de pressions de la part des diffuseurs qui les incitent à déverser sur la place publique une partie croissante de leur vie privée. Et l'ensemble de la sphère publique s'en trouve affectée, y compris pour la partie qui ne cède pas au tropisme. Un artiste ne désirant pas livrer son intimité en pâture, dispose aujourd'hui d'une fenêtre de plus en plus réduite pour s'exprimer et toucher le grand public. Trompettes de la renommée, vous êtes bien mal embouchées (1).

L.Z.

(1) Les trompettes de la renommée : paroles et musique de Georges Brassens, Éditions musicales 57, Phonogram, 1962

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